De plus en plus de jeunes actifs s’interrogent. Est-ce encore utile ? Lue ? Décisive ? Ne vaut-il pas mieux soigner son LinkedIn, son CV, ou même envoyer une vidéo ? À l’inverse, certains recruteurs continuent de voir dans la lettre un indicateur de motivation sincère, un test d’écriture, un signe de sérieux.
Plutôt que de trancher trop vite, il est essentiel de comprendre comment la lettre est perçue aujourd’hui, dans quels contextes elle garde de la valeur, et comment la réinventer intelligemment pour en faire un vrai levier plutôt qu’une corvée inutile.

Une pratique en perte de vitesse ?
Difficile de nier que la lettre de motivation traverse une crise de légitimité. Elle est souvent perçue comme une formalité, voire comme une perte de temps. Côté candidat, la lassitude est réelle. Beaucoup ont l’impression d’écrire en vain, de recopier des formulations toutes faites, de réécrire leur CV avec des phrases longues. D’autres, tout simplement, zappent la lettre, misant tout sur leur profil LinkedIn ou leur CV soigné.
Les jeunes diplômés sont particulièrement critiques : ils ont grandi avec les candidatures en ligne, les réponses instantanées, les process fluides. Pour eux, une lettre en PDF de 300 mots peut sembler dépassée, déconnectée de leur façon de communiquer.
Côté recruteur, la tendance n’est pas très différente. De nombreuses études internes montrent que les lettres sont peu lues, souvent en diagonale, et rarement décisives à elles seules. Dans certains cabinets, elles ne sont même pas transmises aux opérationnels. Les recruteurs préfèrent miser sur l’entretien, le test de personnalité, ou l’échange téléphonique.
À cela s’ajoute la montée en puissance des ATS (Applicant Tracking Systems), ces logiciels de tri automatique de candidatures. Peu adaptés au format libre d’une lettre, ils ne la prennent que rarement en compte dans leur analyse. Résultat : la lettre finit parfois dans une base de données, sans jamais avoir été ouverte.
Mais alors, pourquoi elle persiste encore en 2025 ?
Si tout pousse à penser que la lettre est obsolète, pourquoi tant d’offres d’emploi en demandent-elles encore une ? Pourquoi continue-t-elle à exister, à résister, parfois même à faire la différence ?
D’abord, parce que certains secteurs y restent profondément attachés. Dans le service public, les grandes entreprises industrielles, les ONG, ou encore certains cabinets très structurés, la lettre reste un standard. Elle fait partie du process, parfois même à titre d’archivage réglementaire.
Ensuite, parce qu’elle a encore une vraie valeur dans des cas spécifiques :
- Pour une reconversion professionnelle, elle permet d’expliquer un changement de cap, de mettre en récit un parcours atypique, d’anticiper les questions du recruteur.
- Pour une candidature spontanée, elle est souvent le seul support qui permet de contextualiser une démarche proactive.
- En cas de trou dans le CV, elle peut jouer un rôle de “recontextualisation douce” et désamorcer les doutes.
- Dans certains secteurs créatifs ou rédactionnels, elle est perçue comme une preuve de style ou d’originalité.
- Enfin, elle continue d’envoyer un signal qui, même faible, n’est pas négligeable : celui de l’investissement. Dans un monde de candidatures massives, envoyer une lettre personnalisée prouve que l’on s’est intéressé à l’entreprise, que l’on souhaite ce poste précisément, et pas un autre.

Faut-il encore en faire une ? Et dans quels cas ?
La vraie question n’est pas “faut-il encore faire une lettre ?” mais plutôt : dans quelles situations la lettre reste pertinente, voire différenciante ? Car tout ne se vaut pas.
Oui, dans certains cas, ne pas en faire peut vous desservir. Si l’offre le mentionne explicitement, il est préférable de respecter la consigne. L’absence d’une lettre demandée peut être interprétée comme un manque de rigueur, ou pire, un manque de motivation. Cela vaut aussi pour certaines candidatures dites “sensible à la posture”, où le relationnel, le positionnement ou la clarté des intentions comptent autant que le parcours.
Mais dans bien des cas, vous pouvez vous passer d’un fichier .pdf intitulé “Lettre de motivation” si :
- L’entreprise n’en parle pas dans l’annonce.
- Vous avez déjà été recommandé par quelqu’un.
- Vous avez pris contact en amont avec un recruteur ou un RH.
- Vous êtes sur un canal plus informel (LinkedIn, start-up, job dating…).
Dans ces cas-là, une lettre peut être remplacée par un message personnalisé et structuré, envoyé dans un mail ou en introduction à la candidature. Ce qui compte, ce n’est pas tant le format que la clarté de votre intention.
Comment la réinventer pour qu’elle ait un vrai impact
Si vous décidez de rédiger une lettre, alors autant la rendre utile. Car ce qui fatigue les recruteurs, ce ne sont pas les lettres en soi, mais les lettres standardisées, scolaires, impersonnelles. Celles qui commencent par “Actuellement étudiant en master…” et finissent par “Restant à votre disposition…”.
Pour sortir du lot en 2025, il faut donc :
- Aller droit au but : une bonne lettre tient en 200 à 250 mots maximum. Inutile de raconter votre vie ou de réécrire votre CV.
- Adopter un ton personnel, mais professionnel : on peut être sincère, humain, engagé, sans tomber dans l’excès ou le registre émotionnel.
- Donner un angle : chaque lettre doit être unique. Pourquoi ce poste ? Pourquoi cette entreprise ? Pourquoi vous, maintenant ? Il ne s’agit pas de répéter votre parcours, mais d’expliquer ce que vous visez, ce que vous comprenez de l’enjeu, ce que vous proposez.
- Montrer que vous connaissez l’entreprise : même une phrase bien ciblée fait la différence. “Je suis vos actualités depuis le lancement de votre podcast RH” vaut mille fois plus qu’un copier-coller générique.
- Terminer avec une ouverture claire : ne demandez pas “un retour rapide”, mais “l’occasion d’échanger pour approfondir ma motivation”.
Si vous avez du mal à structurer votre lettre, pensez en trois blocs :
- Ce qui vous attire dans l’entreprise.
- Ce que vous apportez au poste.
- Pourquoi cela fait sens dans votre parcours.

Alternatives crédibles et plus engageantes
Heureusement, la lettre de motivation évolue. En 2025, elle peut prendre des formes nouvelles, parfois plus pertinentes selon le secteur ou le canal.
- Le pitch dans le mail de candidature : bien plus lu qu’un PDF attaché, ce court texte d’accroche dans le mail peut faire toute la différence. 5 lignes bien tournées suffisent à capter l’attention.
- La note vocale ou vidéo courte : certains recruteurs y sont sensibles, notamment dans les métiers relationnels ou les start-up. Une vidéo de 60 secondes, tournée simplement avec un smartphone, peut montrer votre ton, votre regard, votre aisance. À condition de rester sobre, clair, et de ne pas faire du “théâtre”.
- La recommandation en ligne : sur LinkedIn ou via une mise en relation directe, une personne qui vous recommande peut souvent dire plus qu’une lettre.
- Le profil enrichi sur LinkedIn ou un portfolio en ligne : plutôt que de se forcer à écrire une lettre, certains jeunes pros préfèrent diriger le recruteur vers un support vivant, illustré, qui en dit plus long qu’un texte figé.
Vers la fin… ou vers la transformation ?
La lettre de motivation n’est pas morte. Mais elle est en transformation. Ce n’est plus un “exercice imposé”, c’est un outil à activer intelligemment selon la stratégie du candidat, la nature du poste, et la culture de l’entreprise.
Le fond du message reste utile : montrer son envie, sa capacité à se projeter, sa compréhension de l’enjeu. Mais la forme doit évoluer. Elle doit s’adapter aux usages actuels, au style de communication de la génération montante, et aux réalités du digital.
Les recruteurs, eux aussi, changent. Ils attendent moins de perfection formelle, mais plus de clarté, de sincérité et de réactivité. Une lettre rigide n’apporte rien. Un message authentique, bien ciblé, peut tout changer.
En conclusion : ce n’est pas la lettre qui est morte, c’est le format scolaire qui fatigue
En 2025, on ne vous jugera pas sur la beauté de vos phrases ou la formule de politesse choisie. On vous jugera sur votre capacité à exprimer votre motivation de manière claire, ciblée et crédible. Que ce soit via une lettre, un mail, un message LinkedIn ou une vidéo, l’essentiel reste le même : faire comprendre pourquoi vous, pourquoi eux, pourquoi maintenant.
La lettre n’est plus obligatoire partout, mais elle reste un formidable levier pour se démarquer, si elle est bien utilisée. Ce n’est plus une case à cocher. C’est un atout à exploiter avec justesse.
