Comment négocier son salaire en début de carrière sans se griller ?

17 June 2025

Parler d’argent. Deux mots qui peuvent faire trembler même les plus confiants. Et pourtant, lorsqu’on décroche son premier job, vient inévitablement ce moment où il faut aborder la question du salaire. Faut-il en parler dès le premier entretien ? Attendre qu’on nous propose quelque chose ? Oser négocier ? Ou risquer de tout gâcher en semblant trop “intéressé” ?

 

Pour beaucoup de jeunes diplômés, la négociation salariale est une étape floue, anxiogène, voire taboue. Et c’est bien normal : le monde du travail ne nous y prépare pas, les écoles restent souvent muettes sur le sujet, et l’idée même de se “vendre” peut paraître déplacée quand on sort tout juste des études.

 

Pourtant, bien négocier son salaire, c’est bien plus qu’une question de chiffres. C’est un acte fondateur. Cela dit quelque chose de la manière dont on se positionne, de la valeur qu’on s’accorde, et de la relation que l’on construit avec son futur employeur. Mais attention : il ne s’agit pas de tout réclamer sans filtre. L’art de la négociation, surtout en début de carrière, repose sur un équilibre subtil entre assertivité et finesse.

 

Pourquoi c’est si difficile de parler d’argent quand on débute ?

 

Avant même de penser stratégie, il faut comprendre les freins. Pourquoi est-ce si inconfortable ? Pourquoi tant de jeunes acceptent-ils le premier salaire proposé, même s’il est décevant ? Plusieurs raisons se conjuguent.

 

D’abord, il y a la peur de tout faire capoter. Après des semaines de recherches, plusieurs entretiens, et la perspective enfin concrète d’un contrat, on redoute que la moindre demande salariale fasse tout s’effondrer. “Et s’ils pensent que je suis trop exigeant ?” “Et si un autre candidat accepte sans discuter ?”

 

Ensuite, beaucoup de jeunes souffrent d’un complexe de légitimité. Ils se disent qu’ils n’ont pas encore “prouvé” leur valeur, qu’ils devraient d’abord faire leurs preuves avant de demander quoi que ce soit. Cette autocensure est souvent renforcée par une méconnaissance des salaires du marché.

 

Enfin, il y a le tabou culturel autour de l’argent. En France en particulier, parler salaire reste encore très codifié. On n’apprend pas à en parler de manière décomplexée. Résultat : on ne sait ni comment, ni quand, ni à qui poser la question.

 

Et pourtant, oser négocier, quand c’est bien fait, n’est pas mal vu. C’est même souvent perçu positivement, comme le signe d’un candidat engagé, professionnel, et sûr de lui.

 

Savoir ce qu’on vaut (et comment l’estimer)

 

La première étape pour une négociation réussie, c’est d’arriver préparé. Et pour cela, il faut avoir une idée claire de sa valeur sur le marché. Ce n’est pas de l’intuition, c’est de la recherche.

 

Commencez par vous appuyer sur des outils simples mais efficaces :

 

Les études de rémunération annuelles publiées par les cabinets RH comme Hays, PageGroup ou Robert Half.

 

Les grilles de salaires disponibles sur des sites comme Glassdoor, Indeed, Welcome to the Jungle, ou encore Yupeek.

 

Les forums d’anciens élèves, groupes LinkedIn, ou discussions Slack entre diplômés d’une même école ou promo.

 

Les offres d’emploi similaires, publiées par d’autres entreprises sur des jobboards, qui indiquent souvent une fourchette salariale.

 

Mais ne vous limitez pas à votre diplôme. Votre valeur ajoutée ne tient pas qu’à votre niveau d’études. Vous avez peut-être fait deux stages dans des environnements exigeants, maîtrisez une langue rare, avez mené un projet associatif, ou des compétences numériques recherchées. Tout cela compte.

 

Il faut donc croiser ce que le marché propose pour un profil comme le vôtre avec ce que vous, vous apportez de plus. Cette estimation vous permettra d’aborder la négociation avec des arguments concrets, sans vous brader, ni vous surestimer.
 

 

Choisir le bon moment pour en parler

 

Savoir quand aborder la question du salaire est presque aussi important que le montant demandé. Mal placé, le sujet peut gêner. Bien amené, il renforce votre positionnement.

 

À éviter absolument :

En début de premier entretien, surtout si vous n’avez encore rien prouvé.

 

Dans un mail de candidature.

 

Sans avoir compris les missions du poste.

 

À privilégier :

En fin d’entretien, quand le recruteur vous demande vos questions ou aborde lui-même les conditions.

 

Lorsqu’on vous propose officiellement le poste, avant de signer.

 

À l’étape finale du processus, quand vous avez démontré votre intérêt et que l’entreprise vous considère sérieusement.

 

Un bon déclencheur peut être :

 

“Je suis très intéressé par le poste, et j’aimerais aussi discuter des conditions pour m’assurer que nous sommes alignés.”

 

Cela montre que le sujet est intégré à votre réflexion globale, pas détaché de l’enjeu du poste.

 

Parfois, c’est l’entreprise elle-même qui vous demande vos prétentions salariales. Dans ce cas, il est essentiel d’avoir une fourchette réaliste préparée à l’avance. Ni trop vague (“dans les standards du marché”), ni trop figée (“35k ou rien”). Proposez plutôt un intervalle cohérent, en précisant que vous êtes ouvert à la discussion selon les avantages globaux (télétravail, RTT, tickets resto, formation, etc.).
 




Les erreurs à éviter quand on négocie son salaire

 

Négocier ne veut pas dire imposer. Trop de jeunes pros tombent dans un des deux pièges opposés : en faire trop, ou ne rien oser demander. Pour éviter de se griller, voici quelques attitudes à éviter absolument.

 

Être trop rigide ou trop agressif

Arriver avec un chiffre figé, un ton sec ou des phrases du type “je ne travaillerai pas pour moins que…” est contre-productif. Même si vous pensez que votre profil le justifie, le message que vous envoyez, c’est : “je suis là pour l’argent, pas pour le projet”. Cela peut suffire à refroidir un recruteur.

 

Le bon ton, c’est celui de la discussion constructive. Vous êtes là pour construire une relation de travail, pas pour vendre une prestation ponctuelle. Votre posture compte autant que votre demande.

 

Négocier sans s’être préparé

Une autre erreur classique consiste à lancer une négociation “par principe”, sans savoir ce que vaut réellement le poste ni ce que vous apportez. C’est risqué. Cela peut vite passer pour une tentative maladroite ou non crédible.

 

Sans arguments tangibles, votre demande peut être perçue comme injustifiée. C’est pourquoi il est fondamental, comme vu dans la première partie, de préparer ses éléments de comparaison, ses réussites, ses compétences différenciantes.

 

Se dévaloriser pour plaire

À l’inverse, certains jeunes diplômés n’osent rien demander… voire proposent eux-mêmes un salaire très en-dessous du marché, par peur de paraître trop ambitieux. Ce réflexe est compréhensible, mais contre-productif : un employeur peut y voir un manque de confiance ou un signe que vous ne connaissez pas les réalités du métier.

 

Et surtout, ce qui est négocié trop bas au départ devient plus difficile à réajuster ensuite. Un poste mal payé en début de carrière peut tirer toute la suite vers le bas.

 


Les bons arguments à avancer (sans se survendre)

 

Bien négocier, ce n’est pas jouer un rôle. C’est exprimer votre valeur en vous appuyant sur des faits. Et même si vous débutez, vous avez sûrement des choses à mettre en avant.

 

Votre expérience terrain (même si ce sont des stages)

Les recruteurs valorisent de plus en plus les expériences “professionnalisantes”, même si elles ont eu lieu en stage ou en alternance. Si vous avez participé à un projet complexe, utilisé des outils en autonomie, ou travaillé dans un environnement exigeant, dites-le. Ce n’est pas “juste un stage”.

 

Mettez en avant ce que vous avez réellement accompli, avec des exemples concrets. Si vous avez contribué à améliorer un process, à analyser des données, ou à organiser un événement, ce sont des éléments factuels qui peuvent appuyer votre demande.

 

Votre rareté ou vos compétences spécifiques

Si vous parlez une langue recherchée, maîtrisez un logiciel pointu, ou avez un double diplôme, vous n’êtes pas interchangeable. Soulignez-le.

 

Plutôt que de dire “je suis très motivé”, dites :

 

“Je peux être rapidement opérationnel sur cet outil car je l’ai utilisé pendant 6 mois dans mon précédent poste.”

 

C’est la preuve d’utilité directe qui fait mouche, pas la motivation floue.

 

Votre capacité d’évolution

Même si vous ne pouvez pas tout justifier immédiatement, vous pouvez montrer votre potentiel à apporter plus demain. Une bonne façon de négocier est de proposer une clause d’évolution :

 

“Si mes résultats sont bons dans les six premiers mois, seriez-vous ouvert à revoir la question de la rémunération ?”

 

Cela montre que vous êtes engagé dans le temps, prêt à faire vos preuves, mais aussi conscient de votre valeur.



Et si l’entreprise dit non ?

 

Ce moment peut arriver. L’employeur vous fait une proposition inférieure à vos attentes. Ou vous dit simplement qu’il n’a pas de marge. Que faire dans ce cas ?

 

Ne pas claquer la porte

Une mauvaise idée serait de tout rejeter sur-le-champ. Surtout si le poste vous plaît, que l’environnement vous attire, et que vous voyez un potentiel d’évolution. Si l’écart n’est pas énorme, il peut être plus malin d’accepter… tout en posant des jalons pour la suite.

 

Vous pouvez par exemple demander :

 

Une réévaluation salariale claire après 6 mois ou 1 an.

 

Un complément sous une autre forme : jours de télétravail, RTT, tickets-resto, formations, prime annuelle, participation...

 

Réfléchir à l’ensemble du “package”

Le salaire ne fait pas tout. Regardez l’ensemble de la proposition :

 

Est-ce que l’entreprise vous forme ?

 

Est-ce que vous travaillez sur des missions intéressantes ?

 

Y a-t-il une vraie perspective d’évolution ?

 

L’ambiance est-elle saine ?

 

Si la réponse est oui, vous n’êtes peut-être pas perdant à court terme. Un poste sous-payé mais formateur peut se rentabiliser à moyen terme. Mais à condition que l’évolution soit réaliste et prévue, pas une simple promesse vague.

 


Négocier, c’est plus que parler d’argent : c’est poser les bases de la relation

 

Trop de jeunes perçoivent encore la négociation comme une épreuve dangereuse, un rapport de force. En réalité, c’est un espace de dialogue. C’est un moment où vous montrez que vous êtes professionnel, que vous connaissez vos priorités, et que vous savez dialoguer avec respect.

 

Un employeur qui valorise ses collaborateurs ne sera jamais fâché qu’un jeune ose parler de salaire – tant que c’est fait avec maturité. Mieux encore, il y verra une posture prometteuse.


 


En conclusion : mieux vaut oser que regretter

 

Bien sûr, il faut savoir être flexible. Il y a des moments où accepter une offre un peu en dessous de ses attentes peut être pertinent. Mais il faut que ce soit un choix conscient, pas un automatisme dicté par la peur ou la méconnaissance.

 

La première négociation salariale est un apprentissage à part entière. Elle vous donne de la confiance, affine votre posture, vous prépare pour la suite. Et surtout, elle vous rappelle que votre valeur ne dépend pas de votre âge ou de votre ancienneté, mais de ce que vous apportez ici et maintenant.

 

Alors, si vous avez décroché un job qui vous plaît… osez poser la question. Le plus souvent, vous y gagnerez plus que quelques euros : vous vous affirmerez en tant que professionnel.
 

Tu aimeras aussi...